J’entends encore cette question, au cours d’une
préparation au mariage, posée par un couple animateur : Jusqu’où êtes-vous prêts à vous
pardonner ? Un grand silence lui répondit. A juste titre.
Demander pardon n’est déjà pas facile – sinon on se
confesserait plus souvent. Mais une fois l’absolution reçue, je me sens libéré,
restauré dans ma condition de frère et de fils.
Le couple ajoutait : Vous arrive-t-il de demander
pardon à vos enfants ?
Pardonner est
une autre paire de manches. Avec tout ce
qu’il m’a fait ! il m’a fait trop de mal, je ne pourrai jamais
l’oublier ! Pardonner n’est pas oublier, surtout quand on a été blessé
à vie. C’est une question de volonté plus que de sentiment : je veux
rétablir cette relation brisée par l’offense. Cela peut demander des années. Ce
n’est déjà pas si mal de ne pas ressasser sa douleur, ne pas ruminer sa haine
ni sa vengeance. C’est une question de foi : croire que nous
pouvons continuer d’être aimé par Dieu, et croire que l’autre peut changer.
Seul l‘amour peut pardonner. C’est une question d’amour.
Pourquoi est-ce si dur ? parce que je dois renoncer
au pouvoir sournois que me donne sur l’autre sa faute commise contre moi. C’est
lui qui me doit, je ne lui dois rien. Pas si sûr !Peut-être que j’ai des
dettes 100 fois plus lourdes envers d’autres. Quel est ce démon qui nous rend
si lucides sur les dettes d’autrui à notre égard et si aveugles face à ce que
nous devons à d’autres, comme la vie et l’amour, le travail et le manger, la
santé et le confort ? Le pardon n’est-il pas une question de vérité ?
70 fois 7
fois. Le 7 biblique signifie la totalité. Pierre pensait que c’était déjà
difficile de pardonner 7 fois. Jésus répond que le pardon n’est jamais à
option, mais une ardente obligation. Pourquoi ? Parce que c’est ainsi que
Dieu agit à notre égard.(Rancune et
colère, voilà des choses abominables. Pardonne à ton prochain le tort qu’il t’a
fait ; alors, à ta prière, tes péchés seront remis). Si nous voulons
demander à Dieu d’avoir pitié de nous, il nous faut pardonner nous-mêmes aux
autres. Inversement pour pouvoir donner notre pardon à nos frères, il nous faut
d’abord l’avoir reçu de Dieu.
La vérité, c’est que Dieu, à l’image du roi de la
parabole, nous a déjà remis la dette incommensurable que nous ne pourrons
jamais lui rembourser. Sa miséricorde est infinie. Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour.
La réponse est là. Dieu, dans le Christ
se réconciliait le monde. Il est allé jusqu’à nous donner son Fils. Jésus est mort pour nos péchés. En le
contemplant longuement sur la Croix nous découvrons jusqu’à quel point il est
capable de nous aimer. Nous sommes insolvables de cet amour.
La résistance au mal qui nous habite est un vrai
combat. Jésus nous y précède : Père,
pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’il font.- Vous n’aurez pas ma haine, dit ce père qui a perdu son fils tué au
Bataclan. - Christian de Chergé, moine à Tibhirine, écrit : Je te pardonne d’avance, toi l’ami de la
dernière minute qui n’aura pas su ce que tu faisais.
Rappelons-nous l’Année de la miséricorde. La miséricorde, c’est l’acte ultime et
suprême par lequel Dieu vient à notre rencontre. C’est le chemin qui unit Dieu
et l’homme, pour qu’il ouvre son cœur à l’espérance d’être aimé pour toujours
malgré les limites de notre péché. Père, ton fils Jésus est venu en ce
monde pour nous tourner vers toi. Il nous révèle ton infinie patience et
l’immensité de ta miséricorde. Donne-nous de tellement croire à ton amour,
d’aimer tellement ton nom de Père, que notre vie ne soit rien d’autre qu’un
éternel retour à toi. Dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au
Seigneur.
En cette eucharistie, rends- nous semblables à Lui.
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