« Nanpoin
rinmin ki pa mandé kité ». Le
créole est plein de sagesse. Il n’y a pas
d’amour qui ne demande pas de se quitter. Quitter veut dire aussi
laisser. De la naissance à la mort, aimer,
c’est un jour quitter quelqu’un d’autre, et quitter ce à quoi l’on tient :
L’homme quittera son père et sa mère, il
s’attachera à sa femme et tous les deux ne feront plus qu’un, ou bien
quitter sa maison pour se rapprocher de ses enfants.
Quitter pour s’attacher, pour répondre à un
appel du large, non pour délaisser ceux que nous aimons, mais pour garder les
yeux tournés vers le but. Quitte ton pays
et va vers le pays que je te montrerai. Abram a fait confiance en la
promesse de bénédiction de Dieu et s’en
alla.
Jésus
demande à ses disciples de tout quitter
pour le suivre. C’est une
première attitude fondamentale pour suivre Jésus : ne pas cesser
spirituellement d’être en marche, de se libérer des entraves qui nous éloignent
de Dieu. Voyons comme nous avons du mal de ne pas chercher à reproduire le
passé dans notre Eglise. Arrêtez de
dire : on a tjs fait comme ça ! répète le pape. Les adultes qui
se préparent au baptême découvrent les mauvaises habitudes qu’il leur faut
quitter pour vivre de l’amour du Christ pour eux.
Suivre
Jésus, c’est aussi aller avec lui, à l’écart, sur la montagne où il veut se révéler dans toute sa splendeur. Quand
j’étais jeune prêtre, je pensais bien qu’à 40 ans (ça me paraissait très loin),
je connaîtrais vraiment Jésus. Aujourd’hui je me dis que ma courte vie ne
suffira jamais.
La montagne, c’est la prière : pour laisser la
lumière de Jésus, que j’ai reçue au baptême m’habiter, pour redécouvrir qui il est : Le Fils bien-aimé du Père, qui fait sa Joie, qui
est sa Parole même, donc en l’écoutant j’écoute directement le Père. Une
catéchumène me disait : Dès que je lis le matin sur mon smartphone les
lectures du jour, je trouve toujours que c’est à moi qu’elles s’adressent. (Si
les vieux baptisés que nous sommes pouvaient faire la même expérience !)
Mais Jésus est en même temps Dieu qui s’abaisse,
prenant la forme de serviteur, pauvre, vulnérable, humble, sensible, défiguré.
Et cela beaucoup ne le supportent pas, peut-être parce qu’ ils ne supportent
pas leurs propres fragilités. Car Dieu renonce désormais à s’imposer, il se
donne dans l’humanité et l’humilité de son Fils. C’est lui qui nous est donné à
voir, à écouter et à suivre, pour faire route avec Dieu. L’extraordinaire du
don de Dieu se cache dans l’ordinaire d’un homme qui donne sa vie jusqu’au bout
pour nous.
C’est dans
l’ordinaire de nos vies, redescendus
de la montagne pour vivre dans la vallée, qui peut être de larmes, que nous
suivons Jésus pour aimer comme lui.
Relevez-vous et soyez sans crainte. Il
a détruit la mort et il a fait resplendir la vie et l’immortalité par l’annonce
de l’Evangile. Conséquence : Prenons
notre part des souffrances liées à l’annonce de
cet Evangile.
En ce Carême, renouvelons notre engagement à
servir l’Evangile, cherchons ce que nous aurions à quitter, un appel à
accepter, un service à rendre, pour répondre aux appels du Christ à marcher à
sa suite.
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